J'ai essayé de m'étirer les yeux pour les brider, ça ne marche pas. J'ai toujours les yeux aussi ronds.
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Le temps n'a pas pansé toutes les plaies laissées par la bombe. Tout, ici, nous la rappelle. Tout d'abord, les ruines volontairement mises en valeur, entretenues en tant que ruines ainsi que le mémorial gigantesque situé au point d'impact. Mais aussi, tous ces Japonais, vieux et jeunes qui viennent se recueillir près de la flamme.
Bien sûr, la ville a été reconstruite, puisqu'il ne restait plus rien après ce funeste jour du 6 août 1945, mais on l'a reconstruite certainement trop vite avec des bâtiments qui n'ont rien à envier aux constructions soviétiques. Il n'y a plus aucune trace des maisons traditionnelles japonaises, des temples, des sanctuaires, chers aux Japonais.
Dans le coeur de la ville, néanmoins, seul, le château y a été reconstruit à l'identique, mais on a donné au quartier commerçant des allures de rues traditionnelles japonaises avec leurs enfilades d'échoppes multicolores et de restaurants aux présentations bien alléchantes. Parfois, seulement alléchantes, les mixtures japonaises n'étant pas toujours du goût des Occidentaux.
Dans le coeur des habitants d'Hiroshima, aussi, les plaies ne sont pas pansées. On a dénombré 200.000 à 250.000 morts des suites de la bombe. Mais bon nombre de personnes sont mortes bien des années plus tard de leucémies, de cancers. Il y a eu un taux anormalement élevé de ces maladies de 1950 à 1990.
Notre guide du jour a eu sa famille décimée suite à la bombe. Sa grand-mère au moment de l'impact, son grand-père quelques temps après et ensuite son père, vingt ans plus tard des suites d'un cancer. Il faudra à ces familles mutilées encore beaucoup de temps pour pardonner. On sentait dans ses propos, derrière son amabilité, toute japonaise, une certaine rancoeur envers les Américains. Pas de chance pour elle, notre groupe était constitué de 95% d'Américains.
Tout ceci nous laisse bien perplexe, cependant autant d'années après et sans être dans le contexte du moment, nous nous abstiendrons de tout jugement personnel.
Et nous appareillons pour Séoul, sans avoir oublié de goûter aux spécialités locales dont l'incontournable saké.
